Chap 1, part 4

Sen, le chat ailé vola rapidement jusqu’à elle.

— Surtout, ne cherchez pas à bouger ! continua-t-il. Cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses dans le monde réel, car vous devez apprendre à vous déplacer dans Sensorium sans envoyer de message à vos muscles.

Eva connaissait déjà ce problème que pouvez engendrer les perceptions virtuelles, comme lorsqu’un rêve déclenchait un réflexe de mouvement, ou qu’une illusion d’optique chamboulait notre sens de l’équilibre. Observer de récents utilisateurs de Sensorium constituait un passe-temps apprécié de nombreux enfants, qui s’amusaient de voir leurs mouvements incontrôlés. Même les personnes aguerries avaient parfois de petites contractions involontaires. Eva resta donc sagement assise, ne souhaitant pas se ridiculiser devant son frère. Son avatar, cette fois-ci en grandeur nature, apparut aux côtés de la mascotte.

— Voici votre avatar dans Sensorium. Je vous conseille de rester en vue externe afin de le guider, car il vous sera plus facile ainsi de ne pas avoir le réflexe de bouger vous-même.

Eva s’empressa de poser la question qui l’inquiétait.

— Est-ce que je peux le modifier ?

— Bien sûr ! Il vous suffit d’imaginer à quoi vous aimeriez qu’il ressemble.

Elle songea d’abord à la super-héroïne dont elle avait inventé l’apparence. Son avatar se modifia avant même qu’elle ne se soit concentrée sur sa visualisation. Devant elle se tenait maintenant une jeune femme aux cheveux longs et raides, ailes-de-corbeau. Elle portait un fin loup de plumes, couleur cuivre. Sa tenue noire la moulait d’une manière très seyante, et des plumes cuivrées en agrémentaient l’encolure ainsi que la taille et les poignets. Eva l’observa d’un œil critique, estimant que le résultat en 3D réaliste paraissait bien plus pompeux que les esquisses qu’elle en avait fait au préalable. Elle passa donc à sa deuxième idée, le rossignol chanteur. La métamorphose fut immédiate, l’avatar tout de suite conforme à son idée. Bien plus gros qu’un véritable rossignol, plutôt de la taille d’un chien, il voletait au côté de Sen. Son plumage chatoyait de reflets légèrement métallisés. Sa gorge et son ventre s’ornaient d’un dégradé des couleurs de l’arc-en-ciel, du jaune sous le bec jusqu’au violet au-dessus des pattes. Son dos resplendissait en doré, alors que l’intérieur de ses ailes était argenté, comme le bout de sa queue. Eva l’imagina chanter, et quand les notes cristallines et harmonieuses sortirent de sa gorge, elle tomba définitivement sous son charme.